En début d’année dernière, Guillaume avait déjà eu la gentillesse de m’accorder une interview à la suite de sa participation avec son binôme Loïc à l’émission LEGO Masters. Et bien j’ai eu la chance de l’interviewer une seconde fois il y a quelques jours, pour une toute autre raison : il est le « fan designer » derrière la dernière nouveauté LEGO Ideas 21332 The Globe, sortie début février.
J’ai choisi de vous présenter cette interview en deux parties : elle a duré presque une heure ! Avec pour commencer 3 grands sujets abordés : la genèse du projet, la réalisation de celui-ci, et le programme LEGO Ideas en lui-même.
La genèse du projet
Quelle a été ta source d’inspiration pour ce projet ? Est-ce que la campagne de publicité « Rebuild the World », diffusée à ce moment-là, a pu avoir une incidence ?
Un peu, oui. Quand je lance un projet sur LEGO Ideas, je mets toujours une petite phrase à la fin dans la description du projet. Et ici, j’ai fait référence à cette campagne de pub.
Et donc, plus généralement, ta source d’inspiration est venue de quoi ? Peut-être quelque-chose que tu avais dans le salon, chez tes parents ?
Plus jeune, j’avais un puzzle 3D sur ma table de nuit – et c’était un globe. Peut-être que l’idée est finalement venue de là.
En fait, j’ai eu les 10 000 soutiens sur le projet Mary Poppins au mois de Janvier – mais je n’étais pas du tout sûr que ce projet serait retenu. Pour des raisons de licence par exemple. J’ai donc cherché une nouvelle idée qui aurait plus de chances de devenir un set. Quand j’ai réfléchi à cette idée, je voulais d’abord que l’objet me plaise, un objet avec lequel j’aurais un certain attachement. Je suis un passionné de voyages. Et je me suis dit, tout simplement, pourquoi pas quelque chose en relation avec ça.
Je suis également très « analytique » : j’ai un peu retracé tout ce qui avait été fait chez LEGO Ideas. Parmi tous les sets, j’ai vraiment apprécié le bateau dans la bouteille pour son originalité, et la fusée Saturn V pour le côté éducatif. Je me suis dit qu’en combinant ces deux choses qui me plaisaient, et pour créer un objet sympa à exposer en rapport avec le voyage, le « monde » lui-même était finalement une bonne idée.
Avais-tu des idées alternatives ? Où est-ce que l’idée de ce globe est venue tout de suite ?
Oui, c’est vraiment ce que j’ai voulu faire tout de suite. Pour chaque projet que je lance, j’ai un peu la même manière de réfléchir. Je commence par regarder ce qui a déjà été fait sur la plateforme. Des globes, il y en a eu d’autres. Des plus petits, des plus gros, mais aucun n’a jamais été vraiment au-delà des 2000 soutiens. Et je me suis demandé ce qui manquait à ces projets, ce qui pourrait être le bon compromis.
J’étais également attaché au style « vintage » – et je suis rapidement parti sur un globe avec les couleurs conventionnelles. Mais à vrai dire, c’était un peu trop fade et trop lisse. D’où le changement pour finalement ne conserver que le blanc de la banquise, le bleu des océans et le vert des continents.
Quel est le public que tu voulais viser avec ce set ? Plutôt les adultes épris de voyages ? Ou bien les plus jeunes qui pourraient ainsi « s’exercer » à la géographie ?
Maintenant, le standard de la gamme LEGO Ideas impose un packaging dédié aux adultes – mais l’idée de départ c’était vraiment de créer un projet qui plairait à tout le monde. À la fois ceux qui voudraient un objet de décoration sympa, mais également quelque chose qui puisse parler aux enfants, faire passer un message, leur faire comprendre quelques notions.
Donc oui, la cible de « base » est sans doute le public adulte (et de toute manière ce sont eux qui déclenchent l’acte d’achat, pour un set à 200 €), mais au-delà je crois que ce set s’adresse à un public beaucoup plus vaste.
La réalisation
Passons maintenant à la réalisation du projet. Combien de temps as-tu passé, depuis l’idée initiale jusqu’à la publication du projet ? Quelles étaient les grandes étapes, et combien de temps pour chacune d’elles ?
Je dirais que ça m’a pris moins de 80 heures. Entre le moment où j’ai eu l’idée, et le moment où je l’ai réalisée, je dirais environ 3 jours.
J’étais à ce moment-là dans mon appartement d’étudiant, et je n’avais pas mon stock de LEGO à disposition. D’habitude, quand je fais un projet, j’essaie autant que possible de le faire en briques réelles. Mais là, j’avais cette contrainte supplémentaire. Et un autre problème : certaines pièces que je voulais n’existaient pas forcément dans la bonne couleur. J’ai donc finalement travaillé sur ordinateur.
La première grosse étape, ça a été de créer la structure de la sphère. Comment les différents wedges allaient se raccorder ? Le premier gros boulot a surtout été de savoir quelle taille j’allais donner au globe. Finalement, ce sont les plaques de 6×6 tenons, autour de l’équateur, qui l’ont déterminée. Grosso modo, cette première étape a dû me prendre une journée. Disons une demi-journée pour la sphère sans les continents, et une autre demi-journée pour l’anse et pour le socle.
L’anse, c’était un peu le gros « challenge ». Même si je travaillais sur ordinateur et que j’aurais pu « tricher » sur ce sujet, ce n’a pas été le cas. J’ai conçu ce projet sur ordinateur comme je l’aurais conçu en briques réelles. Je voulais être sûr que ça tienne.
Une petite anecdote au passage : une pièce, qui n’existait pas lorsque j’ai conçu le projet, a vraiment changé la donne. Ce sont les volants verts introduits avec la Botanical Collection (Steering Wheel no. 1).
As-tu eu des idées différentes pour la conception ? Des idées que tu aurais finalement abandonnées – des « fausses pistes » ?
Ça s’est fait plutôt naturellement. Pour l’anse, j’ai cherché plusieurs idées, sachant que la solidité serait vraiment le point clef. J’avais pensé initialement utiliser des rails en SNOT, et plus précisément aux rails utilisés dans la référence LEGO Indiana Jones 7199 The Temple of Doom. Mis bout à bout, ces rails formaient un cercle de 50cm de diamètre. Mais finalement ça n’allait pas – j’ai donc opté pour une structure en plusieurs morceaux.
As-tu eu besoin d’aide lors de la conception ?
Non, j’ai vraiment tout fait seul. Il y a même une partie que j’ai faite en classe : les dessins des continents. Pendant un cours très ennuyeux, mais qui finalement m’a plutôt bien servi.
Comment as-tu dessiné les continents ?
Ça, c’était encore un autre problème. Un planisphère, il est « juste » au niveau de l’équateur mais très déformé lorsqu’on se rapproche des pôles. Ici, je me suis servi de Google Earth, sur lequel j’ai appliqué une grille. Ça m’a permis, un peu comme sur le globe final, de découper la Terre en plusieurs faces – et de retracer ainsi les différents continents. Le continent qui m’a donné le plus de mal est peut-être l’Afrique. Après avoir publié le projet, je me suis aperçu que la partie supérieure n’était pas assez proéminente.
Le programme LEGO Ideas
Tu as proposé de nombreux projets sur la plateforme LEGO Ideas. As-tu tiré des leçons de tes « échecs » précédents ? Aurais-tu des conseils à donner à ceux qui voudraient se lancer ?
Concernant mes échecs, je lance deux types de projets sur la plateforme LEGO Ideas. Ceux qui sont plus « pour le fun », comme dernièrement le projet Daft Punk – qui était plutôt un hommage au groupe. Je verrais bien s’il atteint les 10 000 soutiens, mais ce n’est pas nécessairement le but initial. Je ne fais d’ailleurs pas spécialement de « promotion » sur les réseaux sur ces projets.
Et il y a les autres projets, pour lesquels le but est clairement d’atteindre les 10 000 soutiens – comme par exemple dernièrement le perroquet mécanique et pour lequel j’ai été un peu déçu. Je trouvais qu’il allait très bien avec le globe – avec ce côté « explorateur ». J’ai conçu ce projet comme le troisième chapitre d’une histoire qui aurait commencé avec le bateau en bouteille, le globe, puis le perroquet. Ce type de projet n’avait jamais été proposé, c’est original et malgré tout ça ne marche pas très bien.
Concernant les conseils que je pourrais donner, déjà à propos de l’idée de base, c’est de trouver une idée suffisamment novatrice, originale ou au moins qui s’inspire d’une univers « populaire » – au risque de créer un projet qui ne fonctionne pas dans le cas contraire. La présentation est également très importante, qu’il s’agisse des photos ou du rendu 3D. Mais le plus gros du temps, sur un projet, est à consacrer à sa promotion. Et ça, ça devient de plus en plus compliqué. Avec le COVID, de plus en plus de personnes se sont mises à LEGO Ideas. Je te dirais même que des fois, il y a plus de gens qui demandent aux autres de voter sur leur projet, que de gens qui votent réellement.
Comment vois-tu l’avenir du programme LEGO Ideas ? C’est devenu très « concurrentiel », on en parlait un peu tout à l’heure. Est-ce que pour toi il y a des choses à faire évoluer dans ce programme ? Est-ce que les règles sont toujours adaptées à cette nouvelle tendance de voir toujours plus de projets atteindre les 10 000 supporters ?
LEGO a peut-être tenu compte de cette nouvelle tendance avec le Bricklink Designer Program. Pour en avoir parlé avec Hasan, la gamme LEGO Ideas ce n’est pas une gamme comme LEGO Star Wars, destinée à faire 20 ou 30 boîtes par an. Au maximum, c’est un set tous les deux mois, disons 6 boîtes par an. La sortie d’un set LEGO Ideas est toujours un petit événement. Pour que la gamme LEGO Ideas conserve sa notoriété, la sortie de nouveaux sets doit rester un événement assez rare.
Augmenter la limite de soutiens, je ne crois pas que ce soit la chose à faire. Déjà, il y a beaucoup de projets qui atteignent les 10 000 soutiens simplement parce qu’ils ont une grosse communauté derrière eux. Et ce ne sont pas forcément les meilleurs projets. J’ajouterais même que beaucoup de projets LEGO Ideas qui se sont qualifiés sur le fil du rasoir ont finalement été retenus par LEGO, comme les Dinosaur Fossils, le Central Perk ou le Steamboat Willie. Je crois même que le fait d’essayer de limiter le nombre de projets qualifiés n’est pas non plus forcément une bonne idée. Le revers de la médaille, c’est qu’aujourd’hui il est plus difficile de voir son projet sélectionné qu’auparavant.
Quelque part, le Bricklink Designer Program compense cette frustration. En fait, beaucoup de projets proposés par les AFOL sont destinés principalement aux AFOL. Et ce sont peut-être des projets qui n’ont pas l’envergure nécessaire pour devenir des sets LEGO Ideas. Et en ce sens le Bricklink Designer Program est une vraie bonne idée.
Je voulais revenir sur un petit « scandale » survenu dernièrement : le projet The Office, finalement retenu après avoir été soumis 3 fois. Pour moi, un bon projet LEGO Ideas est surtout une bonne idée, soumise au bon moment.
Au début, je ne trouvais pas trop « juste » de pouvoir proposer le même projet à l’infini. Il faut savoir que lorsque ton projet est refusé en phase de review, tu touches malgré tout 500 $ en bons d’achats en compensation. Et je trouvais ça un peu « facile ».
Mais pour en avoir discuté avec Hasan (un des responsables du programme LEGO Ideas), il m’a dit que ça permettait aux auteurs de garder une certaine motivation. Que si un projet avait été refusé une première fois, ce ne serait peut-être pas le cas lors de la seconde. Pour revenir sur l’exemple The Office, LEGO n’avait pas les droits au moment voulu.
C’en est fini pour cette première partie, rendez-vous la semaine prochaine pour les détails de la collaboration avec LEGO, la promotion du set et quelques petits « extras » !
La deuxième partie de l’interview est en ligne, vous la retrouverez à cette adresse.
Merci à vous deux pour cette interview très instructive ! Un vrai plaisir de la lire !
Je suis impatient de lire la seconde partie !
Merci à vous deux pour cette interview, intéressante et instructive.
Au plaisir de lire la seconde partie !
Rendez-vous dimanche prochain !
bien cool cette interview ! merci à vous 2. Ton projet daft punk est vraiment fun et il aurait pu remplacer le jazz quartet qui est tout antan magnifique. Hate de lire la seconde partie
C’est prévu pour dimanche prochain, et il y a plein d’autres choses intéressantes 😉
Merci pour l’interview assez intéressante.
Perso je l’ai vu exposé en store et cela rend mieux que sur la boîte. Le côté répétitif est obligatoire pour ce type de montage, et quand c’est le cas je me concentre sur les techniques de montage, je m’arrête de monter, j’observe et j’essaye de comprendre la philo et le cheminement pour en arriver là.
En tout cas félicitations Guillaume, ce set me parle car la fibre nostalgique a été touchée, ce qui est de plus en plus le cas avec la gamme Adult+.
Merci à tous les deux pour cette mega-interview très instructive sur ce qui se passe en coulisse et dans la tête du créateur. Dans la chronologie de LEGO Ideas, je retiens que Guillaume est dans l’ordre : analytique, créatif, puis technique ! Je trouve quand même que LEGO Ideas devient de plus en plus une compétition pour amateurs… professsionnels !
Le set rend vraiment bien une fois montee mais alors, j’ai rarement vu un set aussi ennuyeux et répétitif à monter
Merci à vous deux pour cette interview sincère et très intéressante 👍